Saphir Romanov

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Joyau des Romanov, ce saphir de Ceylan de 197,80 carats a connu une histoire haletante. Échappé de Russie au lendemain de la Révolution russe, il apparaît chez Cartier en 1928 où il fut acquis par la cantatrice Ganna Walska. Elle le conserva jusqu’en 1971, avant de le vendre aux enchères. Le saphir fut de retour dans les ateliers de Cartier en 2014 et sublimé en un bracelet révélé l’année suivante.
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En 2015, Cartier présentait un majestueux saphir de Ceylan dans le cadre de sa collection de Haute Joaillerie Étourdissant Cartier. Majestueux, il l’est avant tout par son poids spectaculaire – 197,80 carats. Majestueux, il l’est également par sa surface entièrement facettée et par sa couleur vive, éclaircie d’une note délicatement rosée. Majestueux, il l’est enfin par son impressionnant passé : authentique relique des Romanov, il fut originellement en possession de la tsarine Maria Feodorovna.

Née princesse Dagmar, Maria Feodorovna (1847-1928) était la deuxième fille du roi Christian IX du Danemark. Alors que sa sœur Alexandra convola avec le futur Édouard VII, elle fut mariée pour sa part en 1866 au grand-duc Alexandre Alexandrovitch, qui monta sur le trône impérial en 1881 sous le nom d’Alexandre III. Ensemble, ils eurent six enfants ; l’aîné, le futur tsar Nicolas II, allait assister impuissant à la chute de la dynastie des Romanov.

Figure illustre de l’histoire russe, Maria Feodorovna a laissé d’elle l’image d’une grande dame, soucieuse d’élégance et passionnée de joaillerie. De nombreux portraits et photographies l’ont immortalisée parée de joyaux. Parmi les plus précieux : ce saphir, qu’elle fit monter en une broche entourée de 26 brillants. C’est sous cette forme que, selon une légende que confirmerait une photographie, la tsarine le porta lors du fastueux bal costumé organisé par le grand-duc Vladimir en son palais le 25 janvier 1883.

Au lendemain de la Révolution, Maria Feodorovna parvint à fuir la Russie pour se réfugier en exil en Angleterre, puis dans son Danemark natal. Ses bijoux, demeurés pour la plupart en Russie, furent saisis par le pouvoir bolchevique, qui les fit recenser par le minéralogiste Alexandre Ievguenievitch Fersman. Il en publia le résultat en 1925-1926, dans un ouvrage intitulé Les Joyaux du Trésor de Russie, dont Cartier conserve un exemplaire en français dans ses archives. Sous le numéro 161, y figure le saphir facetté, décrit comme ayant appartenu « à la tsarine, mère de Nicolas II ».

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La pierre quitta mystérieusement la Russie. Elle réapparaît à la fin de l’année 1928, retaillée et inévitablement allégée de quelques carats, au sein des ateliers de Cartier New York, où les joailliers déployèrent leur talent afin d’en faire le pendentif d’un somptueux collier. Un collier acheté en janvier 1929 par la cantatrice Ganna Walska (1887-1984).

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Peu de temps plus tard, la même année, la diva d’origine polonaise demandait à sertir le saphir sur un second collier qu’elle avait précédemment acheté chez Cartier. Au cours des mois qui suivirent, ce nouveau bijou subit plusieurs modifications, toujours réalisées par le « roi des joailliers ». Une quête de perfection qui démontre l’attachement de la cantatrice à cette gemme unique. Éprise de nature, Ganna Walska décida en 1971 de vendre aux enchères sa collection de bijoux afin de financer l’entretien d’un grand jardin réunissant de rares espèces botaniques, situé non loin de Santa Barbara, aux États-Unis : Lotusland. Le saphir de Maria Feodorovna et Ganna Walska réapparut deux décennies plus tard, en 1992, au cours d’une vente aux enchères organisée à Genève par Sotheby’s.

C’est finalement en 2014 que la gemme fit son retour chez Cartier. Elle fut alors placée au cœur d’un bracelet au dessin géométrique, composé de courbes entrecroisées jouant du vide et figurant des triangles qui ne sont pas sans rappeler les facettes du saphir. Amovible, ce dernier peut être remplacé par un motif en cristal de roche dont les lignes gravées à la surface s’inscrivent parfaitement dans le dessin du bracelet.