Cristal de roche

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Le cristal de roche a été réintroduit en joaillerie au XXe siècle par Cartier. Il demeure aujourd’hui particulièrement employé dans ses créations joaillières autant qu’horlogères.
  • Famille gemmologique : quartz
  • Couleur : transparent
  • Dureté : 7
  • Densité : 2,65
  • Provenances : Brésil, Madagascar, Afrique, Corée, Russie

Un quartz incolore à l’histoire plurimillénaire

Le cristal de roche, ce quartz incolore si apprécié pour sa transparence, tient son nom du vocable grec krustallos, signifiant « glace ». Connu depuis l’Antiquité, il fut employé par la plupart des civilisations occidentales et orientales. Les Égyptiens l’utilisaient déjà voilà plusieurs millénaires pour donner vie aux yeux de leurs statues, comme en témoigne le célèbre Scribe accroupi, conservé de nos jours au musée du Louvre. En Europe, le cristal de roche fut particulièrement à l’honneur aux XVIe et XVIIe siècles.

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On le considère alors comme une pierre précieuse, digne d’orner les plus riches œuvres d’art. Taillé, sculpté ou encore gravé dans les prestigieux ateliers de Milan, Augsbourg, Nuremberg et Paris, il est le joyau d’innombrables coupes majestueuses, aiguières princières et coffrets royaux, aujourd’hui exposés dans de nombreuses institutions muséographiques. Longtemps délaissé par la suite, il est finalement redécouvert à l’orée du XXe siècle grâce à la curiosité et à l’art unique d’un homme : Louis Cartier.

Cartier, poète pionnier du cristal de roche

En ce tout début des années 1910, Louis Cartier cherche à enrichir les transparences du style guirlande. Homme de culture, il se souvient qu’à la Renaissance le cristal de roche était abondamment utilisé en joaillerie. Il décide donc de l’adopter pour ses propres créations, tout en innovant par son traitement : il le fait audacieusement dépolir afin de lui conférer douceur et délicatesse. Le satiné qui en résulte se marie à merveille avec l’éclat des diamants et la blancheur du platine, parfois contrastés d’une pierre de couleur.

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Cartier inaugure à la même époque d’oniriques pièces horlogères qui donnent à méditer sur l’énigme du temps. Ces prodigieuses pendules, dites mystérieuses, sont composées d’un bloc de cristal finement décoré dont la transparence permet ingénieusement de constater que rien ne semble retenir ni relier à un quelconque mouvement les aiguilles. Elles semblent y flotter, comme en apesanteur… L’illusion est ainsi parfaite.

Dans les années 1920, le cristal de roche est abordé d’une nouvelle manière par la Maison. La société et les arts évoluent, les mœurs ainsi que la silhouette féminine également. La joaillerie doit s’y adapter. L’époque appelle à ce que la pureté du fameux quartz réponde à un dessin épuré, jouant essentiellement des formes – un art dans lequel Cartier excelle. La Maison imagine des broches et des boucles de ceinture aux motifs géométriques d’une grande modernité, souvent des anneaux ou des rectangles de cristal ornés de palmettes ou de motifs librement inspirés des arts chinois et persans. La limpidité du minéral incolore y épouse le scintillement des diamants alors que, afin d’éviter le piège d’une tonalité exclusivement monochromatique, des touches d’onyx ou d’émail noir offrent de subtils contrastes.

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En parallèle de ces créations, le cristal de roche est également utilisé durant la seconde décade du XXe siècle pour des pièces naturalistes. Relativement restreintes par leur nombre, leur grâce est toutefois touchante : on se souvient notamment d’un pendentif en forme de vase dans lequel deux oiseaux plongent leur bec afin de se désaltérer.

Cristal de roche et jeu de volume

Les œuvres joaillières pionnières des années 1920 annoncent la poursuite à un très haut niveau du travail esthétique et technique du cristal de roche, qui se concrétise lors de la décennie suivante : 1930 est assurément la décade du volume. Aux surfaces planes du début du siècle succèdent des compositions en courbes et en reliefs. Comme le souligne Roger Nalys en 1935 dans un article consacré aux « Bijoux d’aujourd’hui » paru dans L’Officiel de la couture et de la mode : « à notre époque de vie intense et de mouvement exacerbé, la fadeur ne nous impressionne plus. Nous aimons ce qui est solidement construit, nous désirons voir ardemment et dans l’espace. […] Le bijou moderne apparaît comme une œuvre architecturale, visible dans l’espace sous tous ses angles et non plus comme autrefois, sous deux dimensions. » Le cristal de roche, sublimé par Cartier, joue un rôle essentiel dans cette révolution joaillière, d’autant plus que la fin de l’Art déco se traduit par une renaissance du blanc. La solidité et la clarté du quartz incolore permettent ainsi de créer des pièces volumineuses et éclatantes, véritables sculptures de lumière, au premier rang desquelles les deux bracelets créés pour le stock en 1930 et acquis en 1932 par l’actrice américaine Gloria Swanson. Aérés, ils sont constitués de demi-disques de cristal de roche laissant apparaître le vide – qui fait partie intégrante de la composition. Aucun fermoir n’est nécessaire : ces bracelets, extensibles, se passent aisément au poignet.

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Depuis 2012, le cristal de roche à l’ombre de la ville

Poursuivant inlassablement sa réflexion autour des volumes, Cartier emploie depuis 2012 le cristal de roche dans la réalisation d’audacieuses créations, inspirées de l’architecture et des modes de vie urbains. Les lignes de la ville apparaissent dans leur géométrie. Les différentes formes et tailles du diamant associées au cristal de roche et à l’onyx ou la laque noire, qui dessinent des édifices citadins, évoquent la vitesse, retranscrivent l’énergie des mégalopoles.

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Les contrastes d’ombre et de lumière, percutants, se répètent nerveusement et génèrent par-delà leur cadence cinétique l’impression du mouvement, de la rapidité. Le staccato frénétique de motifs de cristal de roche impulse sa propre dynamique.

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Un impressionnant diamant poire au centre d’un bracelet irradie d’ondes précieuses qui, entre jeux de plein et de vide, rayonnent de quartz incolore. Autant d’éclatantes preuves de l’intemporelle modernité du cristal de roche chez Cartier.