Pendules mystérieuses

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Qualifiées de « miracles de l’horlogerie » par La Gazette du Bon Ton en 1925, les pendules mystérieuses sont emblématiques du savoir-faire horloger de la Maison Cartier. Entre objets d’art et curiosités, elles constituent d’authentiques pièces de collection.
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La naissance du modèle A

L’invention des pendules mystérieuses est due à la rencontre entre Louis Cartier (1875-1942) et Maurice Coüet (1885-1963). Celui-ci, issu d’une famille d’horlogers, se passionne tôt pour les modèles rares et les mécanismes ingénieux. Louis repère son talent et entame une collaboration, officialisée en 1911 par un contrat d’exclusivité pour la production des pendules.

L’année suivante, Maurice Coüet réalise pour Cartier sa première pendule mystérieuse dite « Modèle A », dont les aiguilles semblent tourner dans un cadran transparent sans l’aide d’un quelconque mouvement. L’horloger s’inspire sans doute de l’invention du magicien Jean-Eugène Robert-Houdin (1805-1871), mais pousse encore plus loin l’illusion. Le secret du mécanisme repose sur un jeu de transparence. En effet, les aiguilles sont fixées chacune à un disque de cristal, lui-même relié à une crémaillère dissimulée dans le cadre et rejoignant le mouvement placé dans le socle.

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Outre leur mécanisme, la particularité des pendules mystérieuses Modèle A réside dans leur dessin épuré. Toutes sont composées d’un bloc de cristal de roche reposant sur une base en pierre opaque, comme l’onyx ou l’agate. Le pourtour du cadran est souligné par une ornementation fine et linéaire en or, dans un style d’inspiration néoclassique. De même, l’aiguille des heures est parfois décorée d’une étoile inscrite dans un cercle.

Pièces uniques résultant d’un savoir-faire exceptionnel, certaines pendules ont été acquises par des personnalités renommées, tels John Pierpont Morgan Jr., qui acheta l’une des premières Modèle A en 1913, ou le comte Greffulhe en 1914.

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Une diversité de formes

Suite au succès des pendules mystérieuses Modèle A, les pièces se complexifient et s’enrichissent d’une grande diversité de formes. En 1920, Maurice Couët invente pour Cartier les pendules mystérieuses à axe central. L’écran, toujours réalisé dans une pierre transparente, est soutenu par un pied central relié au socle où se niche le mécanisme de la pendule. Cette typologie de pendules souligne avec justesse le style de la Maison, où l’importance du dessin se traduit par l’équilibre de la composition d’ensemble et la justesse de la ligne. Le volume du cadran se déploie au profit de nouvelles pierres, désormais facettées, comme la citrine.

Le perfectionnement des pendules à axe central, ainsi que le goût commun de Louis Cartier et Maurice Couët pour l’épure et la géométrie, les mènent naturellement vers la création de pendules dites « Portique ». Entre 1923 et 1925, six modèles sont réalisés. Leur particularité réside dans la disposition du cadran, suspendu à la manière d’un gong.

L’une de ces pendules, conservée par la Collection Cartier, est ornée d’une divinité ventrue et souriante en cristal de roche : le Billiken. Cette figure, inventée en 1908 par l’illustratrice américaine Florence Pretz, s’inspire des représentations de divinités joviales japonaises. De même, la structure de la pendule reprend la forme des torii, des portails traditionnels japonais érigés à l’entrée des sanctuaires shintoïstes. 

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Ce syncrétisme se retrouve dans d’autres productions de pendules mystérieuses de la Maison, à l’instar d’un modèle composé d’une statuette d’éléphant en jade d’origine chinoise datant du XVIIIe siècle.

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Autre variation de la pendule à axe central, la pendule à écran propose une construction tout aussi complexe. L’écran repose sur deux renforts latéraux placés sur un socle en pierre dure. Entre l’écran et le socle, une sphère dissimule l’axe central reliant les aiguilles et le mécanisme. Ainsi, le dessin de la pièce semble tirer parti des jeux de vide, de plein et de transparence.

La production de pendules mystérieuses se poursuit après la Seconde Guerre mondiale. Les artisans de la Maison redoublent d’inventivité, jouant de la diversité des pierres et des contrastes de couleur, dans un registre emblématique du style de la Maison. Des compositions audacieuses voient le jour, à l’instar d’une pendule à axe central créée en 1956, entièrement en or, dont le cadran est réalisé en quartz fumé. À l’éclat du métal précieux s’ajoute celui des diamants ornant les aiguilles et les chiffres du cadran. Dans les années 60, Cartier continue de cultiver l’épure qui a fait le succès de la pendule mystérieuse Modèle A au début du siècle, comme le prouve la pendule à axe central acquise par Barbara Hutton en 1970. Le contraste entre le bleu du lapis-lazuli et l’or des ornements offre une touche de modernité à la sobriété du dessin.

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Les pendules mystérieuses dans la création contemporaine

Depuis 1912, la production de pendules mystérieuses n’a jamais cessé. De nombreux mois – voire plus d’une année – étant nécessaires à la réalisation de ces trésors d’horlogerie, elles incarnent un statut d’objet rare et unique, prisé des collectionneurs comme des amateurs.

Après avoir traversé les époques et les styles, les pendules mystérieuses offrent aujourd’hui aux créatifs et artisans un immense champ d’imagination. Elles leur permettent d’explorer les volumes et les formes, d’oser des esthétiques puissantes jouant de l’illusion inhérente au mécanisme, faisant écho à l’univers de la Haute Joaillerie. En témoigne une pendule mystérieuse Modèle A présentée en 2016 dont les lignes d’onyx et de diamants quadrillent le cristal de roche pour déployer de surprenants effets de profondeur. De même, les jeux d’optique propres à l’art cinétique se révèlent être une nouvelle manière d’insuffler du rythme au dessin. Sur une pendule mystérieuse réalisée en 2017, le cristal de roche est fractionné par des lignes de diamants et des applications d’émail guilloché, créant un saisissant tourbillon autour du cadran.

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En parallèle des transformations esthétiques, les pendules mystérieuses appliquent aujourd’hui leurs évolutions techniques à d’autres segments horlogers. Entre tradition et innovation, leur mécanisme se miniaturise pour intégrer le cadran de montres d’exception. En 2013, la montre Rotonde de Cartier L’Heure Mystérieuse transpose au poignet le mouvement propre aux pendules mystérieuses. La même année, les ateliers réussissent l’exploit de mêler une complication phare du vocabulaire horloger, le double tourbillon, au mouvement mystérieux. Ainsi, la montre Rotonde de Cartier Double Tourbillon Mystérieux offre un résultat spectaculaire : le tourbillon semble suspendu dans le vide, sans aucun lien apparent avec le mouvement. D’hier à aujourd’hui, la magie émanant de ces mécanismes horlogers d’exception émerveille toujours autant : elle dit toute la préciosité du temps.

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