
Étrange organisme marin, le corail est employé par Cartier depuis environ un siècle. Certaines des plus grandes clientes de la Maison l’ont adopté.
- Matière : minéral sécrété par un organisme sous-marin
- Couleur : d’un rouge intense à un rose léger, blanc, noir
- Provenances réputées : mer Méditerranée et océan Pacifique
Un curieux animal marin
Souvent considéré à tort comme un végétal, le corail est en réalité un animal sous-marin de l’embranchement des cnidaires, de la même famille que les méduses, prospérant dans les mers chaudes. Chaque organisme secrète un exosquelette, différent selon les espèces. Cette carapace se développe en forme de branchages colorés dont la teinte peut varier du rouge intense au rose léger. Il existe aussi du corail blanc ainsi que du corail noir, aujourd’hui interdit à la pêche.
Le mystère qui l’entoure a alimenté bien des mythes au cours de l’histoire. Décrit par Ovide (poète latin antique) comme le sang pétrifié de la malfaisante Méduse, il fut longtemps pris par les scientifiques pour un arbre aquatique.
Sa resplendissante couleur fait du corail l’un des minéraux ornementaux les plus recherchés depuis la Préhistoire. De précieux objets ornés de coraux ont ainsi été découverts dans des tombes remontant à l’âge du fer, soit aux premiers temps de l’Homme. Il a également suscité au cours de l’histoire bien des convoitises : utilisé comme monnaie d’échange dans l’Antiquité, il fut l’objet d’une rivalité entre Français et Génois durant le XVIe siècle. Établies le long des côtes maghrébines, les deux parties étaient prêtes à l’affrontement pour obtenir le monopole de la pêche du corail.



Le corail est aujourd’hui en partie protégé par la convention de Washington, qui réglemente le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages. Pour cette raison, Cartier privilégie dans ses créations l’emploi d’une variété spécifique non proscrite récoltée en Méditerranée : le corail rouge, scientifiquement dénommé corallium rubrum. Sa pêche est strictement encadrée par des règles locales, respectées par les fournisseurs de la Maison.
Le corallium japonicum ainsi que d’autres espèces de corail provenant de l’océan Pacifique sont traditionnellement appréciées en joaillerie pour leur teinte douce allant du rose au rouge. Il s’agit des variétés les plus rares, que Cartier peut parfois utiliser pour certaines créations spécifiques, notamment réalisées en commandes spéciales.
Cartier révèle le corail
Qu’il soit sculpté, gravé ou encore taillé en boule, le corail accompagne au fil du temps l’évolution du style de la Maison. Dès les premières années du XXe siècle, Cartier révèle toute l’élégance du corail en l’intronisant au panthéon de la joaillerie. Alors que la Maison poursuit son exploration de l’esthétique orientalisante sous l’influence des Ballets russes, des créations aux explosives associations de teintes voient le jour. Pour composer la palette de couleurs : la turquoise, le jade, le lapis-lazuli… et surtout le corail. Mariée au noir de l’onyx et au vert de l’émeraude (ou du jade), sa couleur chaude donne lieu à des pièces audacieuses, les « plus risquées », même, comme le nota le baron de Meyer dans le Harper’s Bazaar en mars 1926. On retrouve ainsi le corail par petites touches, sans que jamais il ne craigne la confrontation de gemmes étincelantes, flamboyantes ou nacrées. Au contraire : il n’est rendu que plus précieux par la créativité et le savoir-faire de Cartier, qui en révèle toute la sensualité et le pouvoir d’évocation. Au point que La Gazette du Bon Ton, manifeste du raffinement de l’époque, en vient même à s’interroger : « le corail n’est-il pas la plus féminine des parures ? ».

Au jeu des contrastes polychromiques s’ajoute celui des formes. D’abord abstraites, les créations de Cartier sont de plus en plus structurées, et le corail y occupe une place essentielle. Ce style pionnier, dit « moderne », annonce alors l’Art déco en devenir… Un mouvement artistique consacré en 1925 lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, où Cartier présente nombre de pièces de joaillerie, dont plusieurs ornées de corail. Dans les années qui suivirent, Cartier réalise des bijoux architecturés, à l’image d’une bague de 1933 couronnée de cylindres de corail et d’onyx, achetée par Marjorie Merriweather Post.

Un parfum d’Orient
En parallèle, suite à la découverte en 1922 du tombeau de Toutankhamon, le monde s’éprend d’égyptologie. Cartier, en joaillier passionné par les horizons lointains, compose toute une série de créations d’influence égyptienne, où l’aura orientale du corail joue un rôle déterminant. Il borde ainsi plusieurs nécessaires et étuis à cigarettes ornés d’apprêts, il embellit également une pendule de 1927.
La même année, Cartier exécute une pendule à gravité en forme de portique chinois, dont les ornements en corail contrastent harmonieusement avec le jade et la néphrite, et suggèrent à merveille l’esthétique asiatique. Cette pièce témoigne de l’attrait sincère et pérenne de la Maison pour l’Extrême-Orient. Suivront une multitude d’objets précieux d’inspiration asiatique rehaussés de corail, parmi lesquels des pendules, des nécessaires et des flacons, dont un acquis en 1926 par Mona Bismarck.

Le corail dans le bestiaire et le jardin de Cartier
C’est en poursuivant sur cette inspiration extrême-orientale que Cartier fait entrer le corail au sein du bestiaire de la Maison lors de la décennie 1920. Explorant ses mythes, Cartier exécute de célèbres bracelets chimères composés de corail, dont un fut acheté par la cantatrice Ganna Walska.

En 1930, un bracelet de boules de corail s’achève sur un fermoir tacheté, évocation de la panthère, icône en devenir de la Maison.
Sous l’impulsion de Jeanne Toussaint, nommée directrice de la création en 1933, le corail conforte sa présence en joaillerie. Durant les années 30 et 40, celle-ci encourage les ateliers de la Maison à utiliser le corail pour composer certains éléments d’adorables bijoux animaliers : le bec d’un perroquet, les ailes de papillons, le corps de coccinelles tacheté de diamants se portant en clous d’oreilles, la coquille d’un escargot…
Joaillier de la faune et de la flore, Cartier emploie également le corail pour des créations florales. Telle cette ravissante broche datant de 1928 figurant un vase chinois aux fleurs sculptées. Ou cette autre, créée un quart de siècle plus tard, à la tige de platine pavée et dont les corolles de corail bourgeonnent d’une émeraude.


Un manifeste de féminité
Les années 40 célèbrent le corail autour de deux pièces majeures dans l’histoire de Cartier : la broche Oiseau libéré de 1944, volatile au torse de corail fièrement bombé célébrant la Libération, et la bague vendue à la duchesse de Windsor en 1947 (un anneau torsadé, surmonté d’un cabochon de corail cerclé de fils d’or maintenant des émeraudes carrées illuminées de diamants).
Le corail accroît sa notoriété au cours de la décennie 1950 en séduisant deux icônes de féminité. Tout d’abord, la princesse Grace de Monaco, pour qui Cartier réalise plusieurs broches animalières à partir de corail. Ensuite, l’actrice mexicaine María Félix. Cliente fidèle, elle possédait un collier de boules de corail orné de clochettes sculptées d’où s’échappent des grappes d’onyx et d’émeraude.

Intemporel
En harmonie avec l’euphorie qui s’empare de la société dans les années 60 et 70, Cartier propose – notamment aux côtés de nouvelles créations florales en corail – des bijoux d’un genre inédit, s’amusant de références pop art. Parmi ces derniers, la broche Love, aux lettres d’or jaune, hormis le « o » figuré d’un corail en forme de cœur ; ou une broche Cible, dont le centre est serti d’un cabochon de corail percé d’une flèche.
Vers 1970, alors que la popularité du corail est toujours florissante, Cartier exécute plusieurs bijoux savoureux et graphiques autour de coraux peau d’ange sculptés, jouant du contraste avec le platine et les diamants. Un sautoir d’or jaune et de perles de culture alliées à des boules de corail, exhalant des effluves orientaux, est également réalisé par les ateliers de Cartier Paris en 1973.
On retrouve le corail au cours des dernières décennies dans nombre de pièces joaillières et objets précieux, qui célèbrent les vocables majeurs de la grammaire stylistique de Cartier. Ainsi en 2011, avec une bague sertie de neuf boules de corail – baies gourmandes déposées sur de délicates corolles de platine pavées –, ou encore en 2014 avec une bague au graphisme puissant, composée de plusieurs anneaux striés de coraux alternés de diamants.
Le corail fut également à l’honneur de la collection Étourdissant Cartier en 2015. Un bracelet, notamment, fut réalisé à partir de quatorze boules de corail, suspendues à des courbes de platine entrelacées ; de même qu’une bague, surmontée d’un imposant corail cabochon cerné d’un motif associant onyx, chrysoprase et corail.

Conseils d’entretien
Il est conseillé d’éviter d’exposer le corail à des températures trop élevées. Pour le nettoyer, il convient d’utiliser un chiffon doux légèrement humidifié. L’usage d’alcool, d’ammoniac ou de chlore est contre-indiqué.
