
Métal précieux devenu un incontournable de la joaillerie, le platine – résistant et inoxydable – permet de réaliser des montures à la finesse incomparable qui exaltent l’éclat des diamants. Une innovation généralisée en pionnier par Cartier au tournant des XIXe et XXe siècles.
Le plus précieux des métaux rares
Bien que son nom ne le laisse pas deviner, le platine – terme provenant de l’espagnol platina signifiant littéralement « petit argent » – est le plus précieux des métaux rares.
Davantage solide que l’or et inoxydable, à l’inverse de l’argent, il est récolté à l’état brut sous forme de minerais dans les gisements d’Amérique, d’Afrique ou de Russie. Près de 10 tonnes de minerais sont nécessaires pour obtenir une once de platine, soit 31 grammes, après une fusion et une ébullition à des températures dépassants 1 700 °C.
L’histoire du platine remonte à plusieurs millénaires. On en retrouve déjà quelques traces isolées dans l’Égypte antique puis, bien des siècles plus tard, chez les Incas. C’est auprès de ces derniers que les conquistadors espagnols découvrirent le métal étincelant. Principalement en quête d’or, ils ne lui accordèrent toutefois que peu d’intérêt. Sa couleur leur évoquait la brillance de l’argent, qu’ils estimaient comme infiniment plus précieux. Voilà donc pourquoi ils baptisèrent ce qu’ils considéraient comme un « argent mineur » du surnom péjoratif de platina.
Le platine ne fut réellement maîtrisé qu’à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, grâce notamment à la mise au point de procédés chimiques inédits ainsi qu’à l’invention du chalumeau moderne. Il faudra cependant attendre le XIXe siècle – marqué par la découverte d’importants gisements platinifères dans l’Oural en 1825 et la libéralisation de son commerce autorisé par le tsar en 1846 – pour que les joailliers l’introduisent dans leurs ateliers… aux premiers rangs desquels Cartier.
Cartier, pionnier du platine
La Maison l’adopte très tôt, discernant audacieusement son formidable potentiel créatif et artisanal. Les archives attestent ainsi que, dès 1853, Cartier proposait à la vente une série de boutons de chemise composés de platine.
Son utilisation est alors épisodique en raison d’un approvisionnement et de moyens techniques encore insuffisants. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, suite aux découvertes du chimiste Wilhelm Carl Heraeus, qui mit au point un procédé de fusion permettant d’obtenir bien plus aisément du platine pur, qu’il devint enfin possible de se le procurer en quantité et qualité satisfaisantes.
Toujours attentif aux progrès de son temps et suivant visiblement de près l’évolution des connaissances dans la maîtrise du précieux métal, Louis Cartier comprend les possibilités offertes par les travaux du scientifique allemand. Pionnier, il est même le premier à en généraliser l’usage en joaillerie dès 1899.

Pour saisir l’ampleur de la révolution initiée par Louis Cartier, il faut savoir que la mode de l’époque était à la joaillerie dite « blanche », sur laquelle régnaient conjointement le diamant et l’argent. Ce dernier présentait pourtant deux inconvénients majeurs : son extrême malléabilité d’une part, compensée par l’épaisseur des sertissures augmentant considérablement le poids des bijoux, et, d’autre part, le rapide noircissement résultant de son oxydation. La lourdeur et l’opacité de l’argent estompaient ainsi fâcheusement la splendeur scintillante du diamant. À l’inverse, en le substituant systématiquement par le platine, Cartier mit à profit la résistance du métal en façonnant des montures moins imposantes, qui libérèrent les diamants des sertissures trop visibles tout en exaltant comme jamais leurs éclats.
Exploitant au maximum les propriétés du platine, et notamment sa solidité et sa délicatesse qu’il qualifie de « broderie », Louis Cartier imagine alors des créations d’une finesse incomparable, aérées, dont les lignes pures et les volutes sont empruntées au néo-classicisme français. De l’alliance du platine et du style Louis XVI naissait ainsi une esthétique qui marqua les débuts de la renommée internationale de la Maison : le style guirlande. Certaines des plus éloquentes illustrations en sont ces splendides diadèmes pavés tout en arabesques des premières années du XXe siècle, une paire de broches en forme de branches de fougère transformable en diadème, réalisée en 1903, un devant de corsage fleuri de lys de 1906, ou encore cette broche nœud datant de la même année, également en platine et d’une minutie remarquable.
Depuis lors, le platine demeure le métal de prédilection des parures de haute joaillerie.

