
L’émeraude est une variété verte de béryl. Elle fait partie des quatre pierres dites précieuses avec le saphir, le rubis et le diamant.
- Groupe : béryl
- Composition chimique : silicate d’aluminium et de béryllium
- Couleur : vert clair à vert foncé
- Dureté : 7,5 (échelle de Mohs)
- Provenances réputées : Colombie, Zambie, Pakistan, Afghanistan, Brésil
Étymologie, mythes et Légendes
Émeraude en français, emerald en anglais, smaradg en allemand et bien d’autres noms similaires découlent du terme latin smaragdus, lui-même emprunté au grec.
L’attirance pour l’émeraude réside autant dans sa beauté et sa rareté – la richesse et la puissance qu’elle représente pour son possesseur – que dans les pouvoirs qu’on lui attribue. Symbole de vie et d’immortalité pour les pharaons ou de fertilité pour la femme dans l’Antiquité, elle est aussi couleur emblématique de l’islam.
L’émeraude a engendré de nombreuses légendes. Parmi les plus étonnantes, mentionnons celle de l’émeraude dans laquelle aurait été taillée la coupe du Saint Graal, qui aurait recueilli le sang du Christ. Certains auteurs relatent que la gemme ornait le front de Lucifer, qui la perdit dans son combat contre l’archange saint Michel. Outre les vertus thérapeutiques que les anciens leur conféraient, les émeraudes ont aussi valeur de protection. Ainsi les Moghols indiens les gravaient de textes sacrés et les portaient comme talismans. Les Indiens d’Amérique, eux, leur attribuaient le pouvoir de soigner le corps, le cœur et l’âme.

Pline l’Ancien (23-79 ap. J.-C.), dans son ouvrage à vocation encyclopédique intitulé Histoire Naturelle, fait référence à l’émeraude : « Il n’est pas de couleur qui soit plus agréable… Aucun autre vert ne lui peut être comparé ; lui seul satisfait l’œil sans jamais le rassasier ». Il en souligne également l’éclat modéré et constant, quelle que soit l’intensité de la lumière.
Cléopâtre aimait se parer de bijoux, et particulièrement ceux ornés d’émeraudes pour lesquelles elle nourrissait, dit-on, une passion. Les mines portant son nom, un temps considérées comme seulement légendaires, sont redécouvertes au XIXe siècle. Elles sont situées près de Sikait, entre la ville de Louxor sur le Nil et la mer Rouge, et ont probablement été exploitées entre 3 000 et 1 500 avant J.-C. Des émeraudes justes sectionnées dans le brut et percées en leur milieu ornent des colliers de cette époque.
Formation de la pierre
L’émeraude appartient à la famille des béryls, dont elle est la variété la plus précieuse. Sa couleur verte provient de la substitution, dans la structure du minéral, d’atomes d’aluminium par du chrome et du vanadium, dont la rencontre a priori géologiquement incompatible ne peut être qu’accidentelle et donc très rare.
Le béryl cristallise sous la forme de prismes hexagonaux allongés lisses ou striés.
La couleur de l’émeraude est un équilibre entre bleu et jaune, dont le mélange donne un vert dont l’intensité peut varier du plus clair au plus foncé. Le dichroïsme de l’émeraude accentue, selon l’axe sous lequel la pierre est regardée, la nuance bleue ou jaune. La répartition de la couleur n’est pas toujours homogène et certaines parties de la pierre peuvent alterner des zones plus ou moins colorées.
Origines
L’origine d’une pierre ne garantit pas la qualité de la gemme, bien qu’elle soit un critère reconnu de valeur. Les indications de couleur par origine reposent sur des appréciations de professionnels et des constatations émises à partir de l’observation d’une majorité de pierres de belle qualité de cette provenance. Il est d’usage d’indiquer sur les certificats gemmologiques les provenances par pays. Les gisements n’y figurent que rarement.
Les toutes premières mines connues sont exploitées en Égypte par les pharaons de la haute Antiquité, puis sur le site d’Habachtal en Autriche par les Celtes et les Romains, mais les gemmes semblent assez rares et de qualité moyenne.
C’est à partir de la fin du XVe siècle que les riches gisements de Colombie, que les Indiens autochtones avaient essayé de garder secrets, sont redécouverts et exploités par les conquistadores. Elles fournissent une grande quantité d’émeraudes gemmes aux cours européennes et envahissent les trésors du Moyen-Orient et d’Asie, en empruntant très vraisemblablement la route de la soie. C’est sur les bijoux moghols, et plus tard ceux des maharajahs, qu’elles seront les plus nombreuses. Cartier se verra remettre un nombre considérable de ces pierres au début du XXe siècle par ces souverains indiens fascinés par la modernité d’un joaillier audacieux et visionnaire.

À l’époque moderne, de nombreux gisements sont découverts, en particulier en Russie (monts Oural) en 1830 et en Afrique. Ceux de l’ouest asiatique – Tadjikistan, Pakistan et Afghanistan – pourraient n’être que la redécouverte de mines déjà exploitées dans l’Antiquité.
Les gisements historiques d’Égypte et d’Autriche, ou plus récents d’Oural, d’Inde, d’Australie ou du Nigeria, fournissent des émeraudes de qualité trop faible pour être sélectionnées par Cartier.
De nos jours, les gisements les plus importants d’émeraude se trouvent en Colombie, au Brésil, en Zambie, plus récemment en Éthiopie et, dans des quantités plus faibles, au Pakistan et en Afghanistan.
Les gisements d’Amérique du Sud
Les émeraudes de Colombie
Les principaux sites de production colombiens sont les mines historiques de Chivor et Muzo, et plus récemment Coscuez et La Pita. L’émeraude de Muzo, la plus connue, se caractérise par un vert profond et lumineux, quand celle de Chivor est plus claire et bleutée, souvent peu incluse. La Colombie assure 55 % de la production mondiale d’émeraudes, d’après une étude effectuée en 2011.
Les émeraudes de Colombie ont une formation qui leur est propre et ne se retrouve nulle part dans le monde. Les cristaux atteignent parfois des poids considérables pouvant donner des pierres taillées dépassant 100 carats.


Les inclusions triphases de l’émeraude de Colombie, longtemps considérées comme la signature du pays, sont des inclusions fluides aux contours en dents de scie d’une infinie variété contenant gaz, cristal de sel et cristal solide. Elles restent très caractéristiques des pierres colombiennes. Inclusions solides, tels que cristaux de calcite ou de pyrite, givres ouverts ou givres de guérison (recristallisation du givre au cours de la formation de la pierre), inclusions biphases, zones d’accroissement parallèles y sont également décelables.
Les émeraudes du Brésil
De formation beaucoup plus ancienne et géologiquement différentes des pierres colombiennes, les émeraudes du Brésil ne présentent que des cristaux assez petits en qualité joaillerie. Elles sont employées chez Cartier surtout pour du pavage ou des yeux de créations animalières, beaucoup plus rarement en pierres de centre, souvent ovales. Elles se caractérisent par une très grande variété de cristaux biphases et d’inclusions tels que pyrites, micas, des tubes de croissance, des zones de couleur, des givres ouverts ou de guérison…
Les gisements d’Asie
Le Pakistan et l’Afghanistan fournissent des gemmes de très belle qualité mais en quantité relativement faible.
Les émeraudes du Pakistan
Au Pakistan, les mines de la vallée de Swat, située au nord du pays, sont réputées pour donner des émeraudes de grande qualité, d’un vert intense et lumineux et peu incluses. Géologiquement très proches des gemmes de Colombie, on peut y trouver des inclusions du même type. Il est rare de trouver des pierres qui, après taille, dépassent 2 carats.
Les émeraudes de l’Afghanistan
Les émeraudes afghanes sont exploitées dans la vallée du Panshir depuis 1970. Des études sont en cours pour déterminer s’il s’agit des mines décrites dans l’Antiquité dans cette partie du monde. La formation des gemmes d’Afghanistan s’apparente à celles des émeraudes de Colombie. Des inclusions fluides multiphasées contenant une suite de cristaux de sel, gaz et solides sont, avec des cristaux de pyrite et autres minéraux ainsi que la présence de zones de croissance, significatifs de l’origine afghane. Facettées ou polies, les émeraudes du Panshir peuvent atteindre 20 carats dans des couleurs et des cristallisations exceptionnelles pour les plus beaux spécimens.

Les gisements d’Afrique
Le continent africain recèle d’importants gisements d’émeraude, souvent très récemment découverts et essentiellement localisés le long de la côte bordant l’océan Indien. L’Éthiopie, la Zambie et le Zimbabwe sont parmi les pays producteurs les plus significatifs.
Les émeraudes de Zambie

Sur des gisements proches de la frontière congolaise, la production des émeraudes zambiennes est croissante depuis le début de l’exploitation en 1969. Le vert est le plus souvent bleuté, clair à foncé. Les émeraudes de qualité joaillerie dépassent rarement 6 carats, taillées aussi bien en rond qu’en ovale ou taille émeraude, facettées ou cabochons. Cristaux de tourmaline ou de spinelle peuvent, parmi beaucoup d’autres matières, être présents dans l’émeraude de Zambie.
Les émeraudes d’Éthiopie
Les textes anciens de Pline vantaient dans l’Antiquité les émeraudes d’Éthiopie, avant que ces zones minières ne tombent totalement dans l’oubli. Supposés permettre une exploitation à fort potentiel, de nouveaux terrains gemmifères ont commencé à être sondés en 2012 en Éthiopie.
Les émeraudes du Zimbabwe
Connues sous le nom d’émeraudes Sandawana, du nom de la mine, les émeraudes de l’ex-Rhodésie ont fourni de très belles petites émeraudes très colorées et vives. Il semble que les mines soient épuisées.
L’huilage des émeraudes
L’huilage des émeraudes, geste lapidaire attesté depuis l’Antiquité, n’a jamais cessé de se pratiquer. Il consiste à laisser pénétrer dans la pierre un fluide, traditionnellement de l’huile incolore qui vient faire un lien optique entre les deux parois des fissures initialement vides ou remplies de vapeur d’eau ou d’air. Ces substances, dont l’indice de réfraction est éloigné de celui de l’émeraude, réfléchissent la lumière de façon plus ou moins inesthétique. L’huile, dont l’indice est proche de l’émeraude, atténue ce phénomène.
Par diverses analyses, les laboratoires déterminent le remplissage des givres dans les émeraudes en quantifiant la substance de remplissage et en qualifiant ou non sa nature. La classification la plus courante est « présence insignifiante (insignificant) d’une substance incolore dans les fissures », « présence faible (minor) », « présence modérée (moderate) » ou, extrêmement rarement chez Cartier, « présence forte (significant) ». Un très petit nombre d’émeraudes ne recèle aucune substance et se justifie de l’appellation « pas de présence de substance constatée (none) ». Pour ce dernier cas, certains laboratoires différencient les émeraudes ne présentant pas de givres en surface (rares) de celles qui en présentent et pourraient faire l’objet d’un remplissage ultérieur.

Il convient d’être extrêmement vigilant sur le détail de ces appellations quand les pierres ne proviennent pas de Cartier et de faire appel aux experts pour en comprendre le sens.
L’huilage est une action réversible qui n’abîme pas la pierre et ne la modifie pas. Le remplissage des fissures par des substances autres que des huiles n’est pas accepté, à ce jour, par Cartier.
Il est recommandé de nettoyer et rehuiler une émeraude après quelques années.
Les « jardins » de l’émeraude
Inclusions solides ou liquides, givres ouverts ou de guérison caractérisent une majorité d’émeraudes. Les fractures présentes dans la gemme, appelées givres, sont la conséquence de la genèse complexe de la pierre. Inclusions et givres s’entremêlent en quantité plus ou moins aléatoire et sans ordre précis dans l’émeraude. La qualification de « jardins de l’émeraude » illustre de façon imagée l’ensemble des inclusions visibles dans l’émeraude. Sans rien retirer de sa beauté, elle lui apporte vivacité et caractère.

Les émeraudes « gota de aceite »
Certaines émeraudes de Colombie sont qualifiées de « gota de aceite » (goutte d’huile). Ce terme se justifie par une cristallisation sirupeuse, visible à la loupe, qui leur donne un velouté caractéristique et en fait des pierres recherchées.
Les émeraudes « vieilles mines » (old mine)
La terminologie de « vieilles mines » (old mine) donne lieu à débat au sein de la communauté pierres. S’agit-il des émeraudes présentes dans les trésors médiévaux et les magnifiques collections d’émeraudes d’Inde, de Perse ou de Turquie ? Il pourrait s’agir alors d’émeraudes venant d’Asie et peut-être du Panshir ou du Pakistan, puisque leur existence est attestée avant la découverte des émeraudes de Colombie.
Aussi est-il d’usage, dans le commerce des pierres, de qualifier de « vieilles mines » des gemmes à la cristallisation très fine, en général assez plates et présentant une couleur chaude et vivante. Cette qualification repose sur une appréciation de professionnel et n’a pas de fondement scientifique. Elle n’a pas lieu d’être inscrite sur un certificat. Il convient d’utiliser cette appellation avec parcimonie.
Les émeraudes trapiches
Curiosité gemmologique uniquement originaire de Colombie, l’émeraude trapiche se présente sous la forme d’une sorte de roue avec un centre hexagonal et six rayons trapézoïdaux séparés par des zones composites de couleur noire. La taille de cristaux hexagonaux ou cabochonnés a pour but de faire ressortir l’aspect astérié de la pierre.
Tailles et formes
La taille émeraude, un rectangle ou carré pans coupés à degrés, est la taille la plus usuelle pour les émeraudes facettées de centre. Elle découle directement de la forme hexagonale du brut. Selon l’axe de taille, la nuance bleue ou jaune sera renforcée.
Les émeraudes peuvent également, mais moins souvent, être taillées en ovale et dans toutes les formes utilisées en joaillerie : ronds pour les petites pierres, poires, gouttes… aussi bien en facettés qu’en cabochons, voire en briolettes. En intaille, camées ou en décor floral moghol, l’émeraude se prête particulièrement à la gravure. En feuilles ou boules, elle est partie prenante du Tutti Frutti.


Conseils d’entretien
L’émeraude nécessite d’être manipulée avec soin pour éviter rayures et égrisures.
Elle ne supporte ni rhodiage, ni ultrasons.
Il est préconisé de faire nettoyer périodiquement son bijou en boutique afin d’éviter toute mauvaise manipulation.
Comme indiqué précédemment, il est recommandé de rehuiler périodiquement son émeraude, après quelques années.
Cartier et l’émeraude
L’émeraude dispose d’un chapitre à part dans l’histoire de Cartier.
L’une des premières pages s’ouvre en Inde, en 1911. Au cours d’un voyage, Jacques Cartier y découvre des émeraudes singulières, gravées selon une tradition remontant au XVIIe siècle de motifs floraux ou de citations extraites de poèmes ainsi que du Coran. Chargées d’histoire comme d’un certain mystère, elles ornaient à l’origine les parures d’apparats des Moghols et étaient réputées pour leurs vertus talismaniques. D’abord montées isolément par Cartier, les émeraudes gravées sont rapidement associées à d’autres gemmes, notamment, à partir des années 1920, à des saphirs et rubis sculptés en forme de feuilles dans la composition de bijoux d’un genre nouveau, baptisé plus tard Tutti Frutti.

En plus d’employer des pierres gravées contemporaines, Cartier se distingue aussi en offrant une nouvelle vie à des gemmes anciennes, à l’instar de l’émeraude Bérénice. D’un poids de 141,13 carats et de forme naturelle hexagonale, elle fut probablement gravée en Inde au XVIIe siècle. Pierre principale d’un ensemble de trois monté sur un bijou d’épaule de 1925, elle est dessertie l’année suivante pour être montée sur une première broche, puis une seconde en 1927, et recroise de nouveau l’histoire de Cartier bien des décennies plus tard.

Au fil des époques, l’émeraude a joué un rôle primordial dans la palette du joaillier. Dans les années 1910, Cartier l’associe au saphir, promouvant ainsi un contraste de couleurs audacieux pour les arts décoratifs occidentaux. On la retrouve également alliée au rubis, au corail, à l’onyx… Cette démarche de métissage des matières guide toujours la Maison, la rencontre de l’émeraude avec le noir graphique de l’onyx ou de la laque donnant naissance aujourd’hui à de surprenants dessins cinétiques.
Cartier innove aussi par le choix des tailles des émeraudes. Baroques pour le collier de l’actrice Merle Oberon créé en 1938 comme pour une parure de 2018, pentagonales pour une broche-pendentif de 1923, hexagonales et singulièrement bombées pour un bracelet de 2015, et même brutes pour une bague de 2018… En s’affranchissant des standards de la joaillerie, la Maison propose des créations originales au caractère inimitable.


D’hier à aujourd’hui, certaines des plus belles émeraudes sont passées par les ateliers de Cartier. Les émeraudes Romanov ayant appartenu à Maria Pavlovna et distribuées en parure pour Barbara Hutton, le spectaculaire quintet de Chivor, l’ensemble de la parure Orinoco, les spécimens des pendants d’oreilles Hyde Park et de la bague Amazonie… Si beaucoup de ces émeraudes sont originaires de Colombie, le joaillier contribue aussi à la reconnaissance de gisements récents, telle la Zambie, dont de remarquables spécimens sont mis en valeur par la création contemporaine.
