Elsie de Wolfe

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Elsie de Wolfe (1865-1950), célèbre décoratrice américaine, a su audacieusement imposer tout au long de sa vie ses choix comme son caractère, quitte parfois à bousculer les convenances de l’époque. Femme de goût et sensible au raffinement, elle était une cliente fidèle de Cartier.

Ella Anderson de Wolfe, de son vrai nom, voit le jour le 20 décembre 1865 à New York. Fille de médecin, elle grandit dans un milieu aisé, entre précepteurs privés et réceptions mondaines. À 17 ans, ses parents l’envoient en Écosse auprès de sa famille maternelle. Elle y côtoie la bonne société britannique, allant même jusqu’à être présentée à la reine Victoria en 1883.

Elsie retourne à New York l’année suivante et s’y prend de passion pour le théâtre, grisée par l’émulation de jeunes compagnies amateurs. En 1890, elle est affectée par la mort de son père qui, joueur invétéré et peu chanceux, lui laisse pour tout héritage de lourdes dettes. Plutôt que de se mettre en quête d’un bon parti, Elsie fait un choix audacieux pour l’époque : travailler. Portée par son amour de la scène, elle envisage de devenir actrice professionnelle et obtient ses premiers cachets grâce au soutien de son amie, l’imprésario Elisabeth Marbury. Très vite, l’amitié se mue en une relation plus intime. Transgressant les bonnes mœurs et scandalisant la haute société new-yorkaise, les deux femmes emménagent ensemble en 1892 dans une maison située à Irving Place. Elsie se charge elle-même de la décoration : elle n’hésite pas à changer mobilier et rideaux au gré de ses idées. Murs sobrement peints en beige ou dans des tons légers, grands miroirs, chaises longues… Le confort prime – un concept inédit en cette fin du XIXe siècle.

Conquis, les proches d’Elsie lui recommandent d’abandonner le théâtre pour se consacrer à la décoration d’intérieur, une occupation jusqu’alors exclusivement masculine. Ses relations mondaines, de même que l’aménagement très remarqué du Colony Club – le premier cercle privé réservé aux femmes – en 1907, lui permettent de nouer rapidement avec le succès. Morgan, Frick, Vanderbilt, Condé Nast, tous les grands noms de l’élite new-yorkaise font appel à ses talents. Sa réputation dépasse même l’Atlantique : en 1938, le duc et la duchesse de Windsor lui confieront la décoration du château de la Croë, au cap d’Antibes.

Retirée des planches, Elsie de Wolfe se consacre pleinement à la décoration d’intérieur. Constamment sollicitée, que ce soit pour la rénovation d’une villa ou pour un conseil, elle a l’idée d’écrire un livre destiné au grand public. Paru en 1913, The House in Good Taste se classe immédiatement parmi les best-sellers. Toute une génération d’Américains est influencée par sa vision moderne de l’aménagement, qui se résume en quatre clés : espace épuré, couleurs claires, luminosité, mobilier confortable.

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Partageant désormais son temps entre l’Amérique et la France, Elsie est une personnalité incontournable, qu’on apprécie autant pour son bon goût que son excentricité. Femme de caractère et indépendante d’esprit, elle surprend tout le monde en épousant en 1926 Sir Charles Mendl. Riche, célèbre, elle obtient à 60 ans ce qui lui manquait encore : un titre. Avec son mari, Lady Mendl donne des somptueuses fêtes à la villa Trianon, située près de Versailles, qu’elle a acquise et restaurée à ses frais au début des années 1900. En 1938 et 1939, elle y donne ainsi deux bals, assurément parmi les plus courus de l’époque, en hommage à son amie la couturière Elsa Schiaparelli.

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Si Elsie de Wolfe estime la haute couture parisienne, elle apprécie encore plus les grands joailliers. Fidèle cliente de Cartier, elle y réalise toute sa vie durant d’innombrables acquisitions. Diadème en aigue-marine, colliers, médailles, broches, bracelet trois ors, mais aussi pendules, sacs du soir, cantine d’automobile et autres accessoires raffinés. Plus qu’un goût pour le luxe, Elsie de Wolfe partage avec Cartier une même vision de l’élégance et du style.