Maria Feodorovna

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Dagmar de Danemark (1847-1928), en épousant en 1866 le futur tsar Alexandre III (1845-1894), devient Maria Feodorovna, impératrice de Russie. Symbole d’élégance, elle incarne les fastes de la cour russe, dont les pierres précieuses font rêver les joailliers du monde entier, à l’instar du saphir Romanov que la Maison Cartier aura la chance de monter en collier en 1928, puis en bracelet en 2015.

Les « grands-parents de l’Europe »

Figure centrale de l’histoire russe et européenne du début du XXe siècle, Maria Feodorovna naît Dagmar de Danemark en 1847 au « Yellow Palace », à Copenhague, au sein de la famille du prince et de la princesse Glücksburg. Son père, militaire dans l’armée danoise, subvient modestement aux besoins de sa famille. En 1852, le destin de la famille va connaître son premier bouleversement. Le roi Frédéric VII du Danemark (1808-1863), sans descendance, désigne le prince Christian (1818-1906), le père de Maria Feodorovna, comme héritier du trône. Une dizaine d’années plus tard, tout s’accélère : l’année 1863 est particulièrement riche en événements pour la famille de Dagmar. Alexandra (1844-1925), sa sœur aînée, épouse Édouard, prince de Galles et futur Édouard VII (1841-1910) ; son frère Guillaume (1863-1913) est choisi comme roi des Hellènes et son père succède à Frédéric VII sur le trône du Danemark.

L’ascension des enfants de la famille Glücksburg parmi les têtes couronnées européennes relève d’une véritable stratégie de la part de leur mère, la princesse Louise (1817-1898). Une stratégie efficace puisque ses six enfants connaîtront tous un destin royal, qui vaudra à leurs parents le surnom de « grands-parents de l’Europe ».

Pour sa fille Dagmar, la reine Louise souhaite un mariage de haut rang : ce sera un mariage impérial. À la fin de l’année 1864, les fiançailles entre Dagmar et le grand-duc Nicolas (1843-1865), héritier du trône de Russie, sont annoncées. Mais l’année suivante, le tsarévitch tombe malade et meurt soudainement. L’impératrice Maria Alexandrovna (1824-1880) et la reine Louise décident cependant de poursuivre l’union de leurs deux familles en mariant Dagmar et le nouveau tsarévitch, le frère de son fiancé défunt. En 1866, Dagmar épouse donc le grand-duc Alexander Alexandrovich à Saint-Pétersbourg à l’occasion d’un mariage fastueux. Selon les coutumes de la cour russe, elle adopte la religion orthodoxe et change de nom. Elle abandonne son état civil de naissance et prend celui de Maria Feodorovna. D’un mariage arrangé, les deux époux font une union d’amour de laquelle naîtront six enfants : Nicolas, futur tsar Nicolas II (1868-1918), Alexandre (1869-1870), George (1871-1899), Xenia (1875-1960), Michael (1878-1918) et Olga (1882-1960).

Maria Feodorovna, impératrice de Russie

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En 1881, le tsar Alexandre III, son mari, accède au trône dans des circonstances tragiques quand son père, Alexandre II, est assassiné. Dès lors impératrice de Russie, la tsarine incarne la magnificence de la cour russe ; elle est la souveraine la plus élégante que Saint-Pétersbourg n’ait jamais connue. Maria Feodorovna choisit de ne pas s’impliquer dans la vie politique et se consacre à la vie culturelle et mondaine.

Les trésors et les fastes de la cour des Romanov sont entrés dans la légende. Tel ce bal organisé le 25 janvier 1883 par le grand-duc Vladimir (1847-1909) en l’honneur du tsar Alexandre III pour lequel les convives sont invités à se costumer en nobles russes des XVIe et XVIIe siècles. Pour éblouir ses hôtes et particulièrement Maria Pavlovna (1854-1920), la femme du grand-duc et sa rivale dans la haute société russe, l’impératrice doit être à la hauteur de sa réputation d’élégance. Elle commande à ses couturiers une longue robe de brocart incrustée de pierreries. Et pour parfaire et sublimer sa tenue,  ajoute au bas de sa robe deux broches avec deux saphirs entourés de diamants.

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Le saphir Romanov

Le trésor des Romanov, les pierres, les bijoux et les objets précieux sont indissociables du mythe de la Russie impériale et de la fascination qu’elle inspire. En 1922, le gouvernement communiste commissionne le minéralogiste Alexandre Ievguenievitch Fersman pour inventorier les trésors de la couronne impériale. Un travail de près de trois ans qui donnera lieu à l'édition du catalogue Les Joyaux du Trésor de Russie dont Cartier détient d'ailleurs une copie encore aujourd'hui.

Un des saphirs qui ornait la robe de Maria Feodorovna lors de ce fameux bal de 1883 y est répertorié.

On retrouve sa trace chez Cartier New York en 1928. L’année suivante, la cantatrice Ganna Walska (1887-1984) s’éprend du saphir russe et l’arbore sur différents colliers jusqu’en 1970, année au cours de laquelle elle vend sa collection de bijoux.

Le saphir Romanov réapparaît en 1992 lors d’une vente publique, puis bien des années plus tard, en 2014 exactement, il orne un bracelet réalisé et présenté par Cartier.

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Impératrice douairière

En 1894, le tsar Alexandre III meurt de maladie. Son fils devient le tsar Nicolas II et épouse la princesse Alix de Hesse, qui prend le nom d’Alexandra Feodorovna. Cette dernière n’a pas les faveurs de sa belle-mère, dorénavant impératrice douairière.

Maria Feodorovna consacre tout son temps à des œuvres de charité, parcourt l’Europe et rend visite à sa famille dans les cours royales du Danemark, d’Angleterre ou de Grèce. Elle vient également en France et notamment à Biarritz, sur la Côte basque, qu’elle apprécie particulièrement. On découvre des photos de l’impératrice en 1907 au balcon de la villa « Les Vagues ».

C’est à cette même date et au même lieu que l’on retrouve Maria Feodorovna dans les livres clients de la Maison Cartier. En 1907, ses premiers achats sont deux épingles de cravate et deux lapins en pierre dure. À cette époque, les pierres dures en forme d’animaux ou de fleurs rencontrent un véritable succès et s’inspirent des modèles de l’orfèvre russe Fabergé. À son retour en Russie, Maria Feodorovna insiste auprès de son fils, le tsar Nicolas II, pour accorder à la Maison Cartier un brevet officiel de fournisseur, brevet remis au joaillier la même année.

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L’exil

Au cours de la Première Guerre mondiale, Maria Feodorovna se rend dans les hôpitaux, aux chevets de blessés, et s’implique dans la Croix-Rouge russe. Au début  1917, elle rencontre son fils, le tsar Nicolas II, ce sera la dernière fois avant son abdication. Alors que la révolution éclate, à 70 ans, elle refuse de quitter la Russie et se réfugie en Crimée, où se joint à elle une partie de sa famille et de ses proches (le grand-duc Alexandre, la grande-duchesse Xenia, leurs six enfants, le prince Youssoupov, ses parents et sa femme la grande-duchesse Irina, la grande-duchesse Olga et son mari).

C’est seulement en 1919 que Maria Feodorovna quitte la Russie à bord du paquebot HMS Marlborough pour rejoindre l’Angleterre, où elle est hébergée par sa sœur, la reine Alexandra. Mais elle préfère rapidement rentrer dans son pays natal, le Danemark. Tsarine sous les ors et les fastes de la cour impériale russe, Maria Feodorovna s’éteint le 13 octobre 1928, marquée par les troubles de l’histoire mondiale. Autour d’elle ont gravité des hommes, des femmes, des histoires et des pierres précieuses qui marqueront l’histoire de la Maison Cartier.