
Figure incontournable de l’Inde moderne et de la jet-set, la maharani de Baroda (1917-1989) a laissé à la postérité l’image d’une femme aussi extravagante qu’élégante, insatiablement passionnée de joaillerie. Sa collection ne comportait pas moins de 300 pièces, dont plusieurs créées par Cartier.
Sita Devi naît en 1917 à Madras, en Inde. Fille du maharajah de Pithapuram, elle jouit d’une enfance privilégiée au sein d’une famille nombreuse. Selon la coutume, elle est mariée jeune au très prometteur Meka Rangaiah Appa Rao, qui accomplira une brillante carrière politique.
Alliant allure et personnalité hautes en couleur, Sita Devi se distingue déjà à l’époque lors des évènements qui réunissent la bonne société indienne. C’est d’ailleurs au cours de l’une des très mondaines courses hippiques de Madras qu’elle rencontre Pratap Singh Gaekwad, maharajah de Baroda. Il tombe sous le charme de Sita Devi, laquelle succombe à la prestance du prince. Tous deux étant déjà mariés, ils doivent pour s’unir passer par une procédure judiciaire de longue haleine. Les avocats du maharajah trouvent finalement un subterfuge juridique et le couple peut convoler en justes noces en 1943. Ils auront trois enfants.
Par son second mariage, la toute nouvelle maharani rejoint l’une des plus éminentes dynasties indiennes. Le maharajah serait d’ailleurs, selon la presse de l’époque, la deuxième fortune d’Inde et la huitième mondiale. Il faut dire que le trésor des Baroda est colossal : il compte plusieurs centaines de joyaux – à l’instar du diamant l’Étoile du Sud – réunis au fil des générations et dont les plus anciens remontent à l’époque moghole. Sita Devi se pare régulièrement de ces fastueux bijoux, mais fait aussi dessertir certaines pierres de leurs montures d’origine pour les remonter sur des créations contemporaines. Ses préférences vont principalement aux émeraudes, aux rubis et surtout aux perles.

En témoigne une paire de pendants d’oreilles réalisée par Cartier New York en 1951, réunissant les trois gemmes. La maharani commande aussi à la filiale londonienne de la Maison, en 1953, un très original bracelet composé de perles grises aux reflets versicolores, dont le dessin joue de la forme organique des gemmes. Une pièce qu’elle accordait à un bracelet et à un collier, également en perle.

La passion inépuisable de la maharani de Baroda pour la joaillerie lui vaut le surnom de « Wallis Simpson indienne », en référence à l’épouse de l’ancien roi Edward VIII d’Angleterre qui fut aussi une grande collectionneuse de bijoux. L’analogie ne s’arrête pas là. Comme la duchesse de Windsor, Sita Devi est une figure phare de la Café Society, ce cercle huppé des happy few dictant les dernières tendances. Vêtue selon la tradition indienne et parée de ses bijoux, elle capte tous les regards lors des grandes soirées mondaines, qu’elle court d’un bout à l’autre de la planète. Elle voyage régulièrement avec son mari aux États-Unis de même qu’en Europe, privilégiant la French Riviera et notamment Monaco, où le couple possédait une résidence.
En Inde, la situation politique est des plus instables. Bousculé par les soubresauts de l’Indépendance, le maharajah est déchu de son trône en 1951. Son épouse ne renonce cependant en rien à sa vie mondaine, multipliant les apparitions au bras de son fils Sayaji Rao Gaekwad, surnommé « Princie ».
Après s’être séparée du maharajah en 1956, Sita Devi partage sa vie entre Londres, Monaco et Paris. C’est là qu’elle s’installe finalement, dans un appartement meublé dans le style Louis XVI. En proie à des difficultés financières, elle concède à se séparer d’une partie de ses bijoux, qui seront discrètement dispersés aux enchères en 1974, parmi lesquels le fameux bracelet de perles Cartier.

