
Riche héritière, philanthrope et esthète, l’Américaine Doris Duke (1912-1993) consacra une grande partie de sa vie aux voyages ainsi qu’à la constitution d’une collection d’œuvres d’art, d’antiquités et de bijoux, au sein de laquelle les créations Cartier tenaient une place de choix.
« La petite fille la plus riche du monde »
Née le 22 novembre 1912 à New York, Doris Duke est l’unique enfant de James Buchanan Duke, fondateur des firmes American Tobacco Company et Duke Energy Company. À la mort de son père et alors qu’elle n’a que 12 ans, Doris hérite d’une fortune colossale, ce qui lui vaut d’être surnommée par la presse internationale « la petite fille la plus riche du monde » ou encore « la princesse aux millions de dollars ».
Quelques années plus tard, l’héritière est introduite dans la haute société américaine à l’occasion d’un bal organisé dans l’un des nombreux domaines familiaux. Elle intègre dans la foulée la jet-set. Elle y côtoie entre autres C. Z. Guest, Cecil Beaton et Diana Vreeland.

L’ailleurs comme objet de fascination
Avec son premier mari, James H. R. Cromwell, un diplomate américain épousé en 1935, Doris Duke entame une lune de miel de deux ans autour du monde, notamment en Asie. De là naît une passion pour les voyages et pour les arts islamiques et sud-asiatiques. Particulièrement fascinée par l’architecture perse, la jeune femme entreprend en 1936 la construction d’un domaine baptisé Shangri La à Honolulu, Hawaï. Véritable palais des mille et une nuits, il surplombe l’océan Pacifique et recèle nombre de trésors dénichés aux confins de l’Orient.

Ce même goût guide l’Américaine dans le choix de ses bijoux et l’encourage très tôt à pousser les portes de la Maison Cartier. Parmi ses acquisitions, on peut mentionner un bracelet orientalisant en émeraude, ainsi qu’une broche à motif floral hindou, ou encore un somptueux collier d’inspiration indienne ayant appartenu à Ganna Walska, initialement créé par Cartier Londres en 1931, serti de 10 diamants de taille ancienne pour un total de près de 150 carats.


Un héritage d’exception
La collection de joaillerie de Doris Duke, riche de plusieurs centaines de pièces et représentative de la joaillerie du XXe siècle, compte de nombreuses créations Cartier héritées de sa mère, Nanaline Holt Inman Duke. Parmi elles, un majestueux collier Belle Époque en perle et diamant et un bandeau en perle et diamant acquis en 1924, aujourd’hui conservé au sein de la Collection Cartier. Entre autres, les Archives de la Maison font aussi état d’un bracelet Art déco en or jaune serti de diamants et de saphirs, d’un autre bracelet de 1924 orné d’un impressionnant saphir de Ceylan taille émeraude et d’une luxueuse pochette du soir.


Une vie d’esthète
Non contente de posséder parmi les plus belles parures de l’époque, Doris Duke fait aussi l’acquisition de nombreuses œuvres d’art au cours de sa vie, aidée de son décorateur d’intérieur, Eduardo Tirella. En collectionneuse éclairée, elle accumule des pièces de mobilier ancien français et anglais et se constitue une cave à vins exceptionnelle, aujourd’hui encore considérée comme une référence.
Curieuse, l’Américaine s’initie également tout au long de sa vie à de nombreuses activités – danse, sous la direction de la célèbre chorégraphe Martha Graham, théâtre, piano jazz, surf – et excelle dans l’art de l’horticulture en général, dans la culture des orchidées en particulier.
La philanthropie en héritage
Après le décès de son unique enfant, né prématurément en 1940, Doris Duke part pour l’Europe et sillonne le continent ravagé par la guerre en tant que correspondante pour la presse américaine. Elle divorce de James Cromwell en 1943 et s’installe à Paris où elle collabore quelque temps avec le magazine Harper’s Bazaar. En 1947, elle épouse en secondes noces le diplomate et grand séducteur Porfirio Rubirosa, mais le mariage ne tarde pas à se disloquer. Six ans plus tard, le Dominicain convole avec Barbara Hutton, ce qui n’aura de cesse d’alimenter les ragots et d’encourager les comparaisons entre les deux femmes, héritières esseulées nées à quelques jours d’intervalle.
Doris Duke réussit cependant à se distinguer au cours de sa vie en faisant montre d’une incomparable générosité. En effet, sûrement guidée par le souvenir de la philanthropie paternelle, elle crée dès ses 21 ans la première de ses fondations, Independent Aids, qui deviendra après sa mort, survenue en 1993, la Doris Duke Charitable Foundation (DDCF). C’est d’ailleurs au profit de cette dernière que les bijoux de l’Américaine seront mis aux enchères et dispersés dans les décennies qui suivront, selon sa volonté.
