
Ornement de tête parfois décoré d’une ou plusieurs plumes, l’aigrette fut un classique de Cartier de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1920.
Entre Orient et Occident
L’aigrette est un bijou destiné à orner les cheveux, le plus souvent décoré de plumes. Il tient son nom du faisceau de plumes qui embellit la tête de certains animaux, notamment des paons.
Probablement apparue au XVIe ou XVIIe siècle, l’aigrette orne en Orient les turbans des hommes, s’affichant comme un symbole de distinction et de pouvoir. Plus tard, elle devient en Europe un bijou féminin, notamment plébiscité par la reine Marie-Antoinette. Son succès grandissant est tel qu’elle se hisse en 1890 parmi les ornements de tête les plus populaires. On l’aperçoit dans de nombreuses cours royales, sous des formes classiques, et occasionnellement lors de bals costumés. Ainsi, en 1903, à l’occasion de la fameuse fête donnée par le tsar Nicolas II au palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, le grand-duc Michel et le prince Youssoupov apparaissent habillés en boyards, coiffés d’une toque de fourrure rehaussée d’une aigrette.
Paris n’est pas en reste. Le style oriental atteint son apogée dans les années 10, porté notamment par les Ballets russes ainsi que par Paul Poiret, qui promeut des robes sans corset, la tunique, la jupe persane ou entravée, et encourage le port de turbans ornés de saisissantes aigrettes. En 1911, il donne lui-même un bal grandiose sur le thème des mille et une nuits, où il reçoit ses trois cents invités assis sur un trône d’or, costumé en sultan. L’année suivante, c’était au tour de la marquise de Chabrillan et de la comtesse de Clermont-Tonnerre de convier le Tout-Paris à des « bals persans » qui mêlent illustrations historiques et fantasmes exotiques… Autant de festivités qui consacrent l’apogée de l’aigrette.
Les aigrettes chez Cartier
Parmi les joailliers parisiens auprès desquels se fournissent les élégantes, Cartier se distingue très tôt. Dès 1895, comme en attestent les archives de la Maison, le joaillier réalisait une aigrette « hirondelle ». Dans les années qui suivent et jusque vers 1910, le répertoire floral domine : en témoignent un modèle de 1901 décoré d’épis de blé ainsi qu’un autre de 1903 à motif de muguet.
À partir de la nouvelle décennie et au cours de la suivante, Cartier privilégie un style oriental, popularisé par la mode et les Ballets russes. Le joaillier reproduit notamment des détails de grilles islamiques ainsi que les médaillons aux arabesques fluides de tapis ou miniatures persanes. La Maison crée aussi ses premières aigrettes à sarpech indien, consistant en un disque rehaussé de tiges à l’extrémité desquelles sont placées des pierres précieuses. D’une grande cohérence, ces pièces font aussi bien l’admiration des Parisiennes, qui cherchent des ornements appropriés aux « bals persans », que des nababs indiens.

Des interprétations plus stylisées sont aussi imaginées par Cartier dans ces années 10-20, à l’instar d’aigrettes déployant des tiges souples, évoquant le motif de plume ou dessinant des volutes libres, et auxquelles sont suspendues des pierres précieuses. La fluidité du dessin restitue une impression de mouvement qui fait le ravissement des clientes de la Maison.


Quel qu’en soit le style, les aigrettes réalisées par Cartier se caractérisent par un même raffinement. Selon Hans Nadelhoffer, qui consacra un ouvrage de référence à Cartier, les plumes proviennent de maisons spécialisées et reconnues, comme celle de Judith Barbier où se fournissent également les couturiers Worth et Poiret. Quant aux montures, elles sont exécutées avec une finesse incomparable, une légèreté surprenante, notamment permises par l’usage pionnier que Cartier fait du platine.

