Aldo Cipullo

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Designer de Cartier New York de 1969 à 1974, Aldo Cipullo (1935-1984) est notamment à l’origine des iconiques bracelets Love et Juste un Clou. Ses créations, jouant pour beaucoup de la tension entre inspiration du monde industriel et symbolique amoureuse, reflètent la frénésie des années 70.

Aldo Cipullo naît à Naples en 1935. Après avoir grandi à Rome, où son père dirige une entreprise de bijoux fantaisie, il étudie l’architecture à l’École du design de Florence. À 23 ans, il quitte l’Italie pour s’installer à New York. Diplômé de la School of Visual Arts, il se lance dans la création de bijoux et collabore avec plusieurs joailliers. En 1969, il rejoint Cartier New York auprès de qui il signe un contrat d’exclusivité. Il y restera cinq ans.

Sa première création pour Cartier est l’une des plus iconiques : le bracelet Love. Jonc plat en or ponctué de motifs de vis, il était accompagné d’un tournevis en vermeil. Un bijou simple, graphique, à la signification forte : « je cherchais un symbole d’amour éternel », déclare Aldo Cipullo. Le tournevis permet en effet d’attacher le bracelet au poignet de l’être aimé, dans un geste qui scelle littéralement l’union du couple.

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Écho à l’état d’esprit du moment, le bracelet Love acte une transition fondamentale, encouragée par Cartier. « On est passé d’une joaillerie élaborée et sophistiquée à quelque chose de totalement différent, que personne ne faisait à l’époque », notait Cipullo. « La mode chang[e] – les mentalités, l’économie, la politique, et tout le reste. Vous savez, il faut tout simplifier… Dans la vie, on est envahi par le fouillis, c’est pour ça que pour moi la joaillerie est devenue simple, absolument simple, faite sur mesure. »

Dans une approche artistique indissociable du style Cartier, Aldo Cipullo joue à détourner des objets du quotidien. En 1971, il imagine un bracelet figurant un clou enroulé autour du poignet. C’est le point de départ d’une collection inspirée par des outils, qui comporte également des boutons de manchette écrou, un pendentif clé à écrous, des boîtes à pilule en forme de vis… « Je suis devenu un grand connaisseur en matière d’écrous, de vis et autres clous », plaisante le designer italien qui ajoute avoir « deux maisons : la seconde, c’est une quincaillerie ». Déjà inscrit dans le répertoire de la Maison, l’univers du design industriel est pour lui un territoire d’exploration créative. Une audace saluée par le jury du Coty Award, qui l’honore pour avoir « lancé la mode d’une joaillerie précieuse inspirée par les machines modernes et leurs composants ».

En 1972, Cipullo dessine pour Cartier la Circles Collection. Le Women’s Wear Daily en souligne l’« exécution technique remarquable. Sur les bracelets et les colliers, les éléments en or et les disques de pierre, qui sont articulés entre eux, sont d’une parfaite fluidité ; le bijou accompagne les mouvements de celui qui le porte », comme un écho à Jeanne Toussaint.

La joaillerie se fait aussi talismanique, à l’instar du pendentif The Hand of the Heart, porté par Ellen Burstyn dans le film L’Exorciste, et d’une collection consacrée aux signes du zodiaque, qui traduit la fascination de l’époque pour l’ésotérisme.

Toujours, Cipullo en revient à l’amour et à des allégories aussi originales que modernes, comme en témoignent des bijoux inspirés par l'univers du jeu, notamment des cartes à jouer et du backgammon créés pour Cartier en 1973. « Bien sûr, tout cela est symbolique », reconnaît-il, « quand on est amoureux, on peut gagner ou on peut perdre. C’est un jeu. »

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Une vision qui définit bien l’homme, à la fois esthète, dandy et mondain. Figure emblématique du New York des seventies, Cipullo aime sortir dans les boîtes de nuit et restaurants à la mode. Ses amis l’accompagnent, parmi lesquels on compte Margaux Hemingway, Jacqueline Bisset, Liza Minnelli, Andy Warhol, George Hamilton, Tony Bennett et nombre de musiciens de la scène rock.

Aldo Cipullo quitte Cartier en 1974 pour s’installer à son compte. Il meurt dix ans plus tard, à 48 ans.