13 rue de la Paix

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Berceau de la création et du style Cartier, symbole des origines… le 13 rue de la Paix est l’une des adresses emblématiques de la Maison depuis son ouverture en 1899.

Du boulevard des Italiens à la rue de la Paix

En 1847, Louis-François Cartier reprend l’atelier de son maître, Adolphe Picard, au 29 rue Montorgueil. Quelques années plus tard, en 1859, son fils Alfred le rejoint et la famille Cartier installe sa boutique au 9 boulevard des Italiens, haut lieu de la bourgeoisie et de l’aristocratie depuis le milieu du XIXe siècle. Les grands boulevards – le cœur du « nouveau Paris » comme l’écrit Émile Zola – regorgent de commerces, banques et hôtels prestigieux. En 1875, l’inauguration de l’opéra imaginé par Charles Garnier constitue un point d’orgue à l’attrait du quartier.

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Âgé de seulement 23 ans, Louis Cartier rejoint son père Alfred à la tête de la Maison en 1898. Il presse les mutations à venir avec le nouveau siècle – mutations urbaines, démographiques et plus largement sociétales. Aussi, probablement sous son impulsion, Cartier quitte le boulevard des Italiens et inaugure en 1899 sa nouvelle boutique au numéro 13 de la rue de la Paix.

Percée en 1806 sur décret de Napoléon, la rue de la Paix se distingue par ses immeubles cossus aux façades travaillées. Elle profite en outre de nouvelles avancées techniques, dont l’instauration de l’éclairage au gaz, et d’une localisation attrayante entre l’opéra Garnier et le jardin des Tuileries. Le quartier séduit progressivement les boutiques de luxe : Lalique, Charvet, Vever s’y installent notamment. Au numéro 7 se trouve Charles Frederick Worth, considéré comme l’instigateur de la « haute couture » et ami proche des Cartier – sa petite-fille Andrée Caroline épouse d’ailleurs Louis Cartier en 1898. L’attraction d’une riche clientèle pour ces boutiques se trouvera décuplée par l’ouverture en 1899 du Ritz sur la place Vendôme. « Les riches étrangers ont la rue de la Paix en singulière affection (…). Nombre de fournisseurs avisés se sont mis sur le chemin de cette riche clientèle qui leur vient de tous les pays. C'est le bazar du confortable le plus splendide et le plus délicat » écrit Édouard Fournier dans son guide de Paris. La rue de la Paix s’impose ainsi comme l’artère du luxe et de la mode.

Métamorphoses du 13

Dès l’ouverture, la boutique se distingue par sa façade en portor – marbre noir veiné de pyrite d’or jaune – rehaussée de pilastres à chapiteau corinthien et d’éléments dorés, auxquels s’ajoutent progressivement les blasons des cours royales ayant attribué un brevet de fournisseur à Cartier. Ce choix audacieux, à une époque où la plupart des devantures sont encore en bois, fait écho au goût visionnaire de Louis Cartier. 

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Le déménagement coïncide en effet avec l’introduction d’un nouveau style de joaillerie, aujourd’hui nommé « guirlande », qui allie utilisation novatrice du platine et esthétique Louis XVI. L’influence néoclassique prédomine aussi dans les choix décoratifs de la boutique, véritable écrin pour les bijoux : boiseries murales ornées de motifs de rinceaux et guirlandes, plafonds à caisson peints, lustres classiques… L’aménagement est confié à Marcel Boulanger, également à l’origine de la décoration du Ritz à Londres.

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Dans les années 1910, la boutique s’agrandit progressivement avec l’adjonction des deux locaux du numéro 11, jusqu’alors attribués au marchand de porcelaine Le Rosey et à celui des mouchoirs Chapron. L’organisation des espaces de vente se fait sous forme de salons dédiés aux différents types de pièces : grande galerie, salon blanc, salon Anglais, salon des perles, salon Louis Cartier… Plus tard, Jeanne Toussaint installera son bureau au premier étage dans un décor de boiseries sculptées où se devine, par petites touches, son goût personnel.

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Si la façade évolue peu au cours des décennies, l’intérieur de la boutique est quant à lui régulièrement repensé. Dans les années 1930, l’espace est redessiné par l’architecte Carlhian, qui y installe notamment des vitrines aux lignes épurées, en accord avec le goût de l’époque pour les formes géométriques. 

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De 1965 à 2005, le 13 rue de la Paix est réaménagé à plusieurs reprises. La boutique, qui s’étend désormais sur plusieurs étages, accueille de nouveaux espaces de vente, mais aussi une partie des ateliers de haute joaillerie ainsi que les Archives de la Maison.

En 2022, la nouvelle transformation est confiée à trois architectes : l’agence Moinard Bétaille pour les trois étages dédiés à la vente, Studioparisien pour le service client, les ateliers et les Archives, et Laura Gonzalez pour une Résidence exclusive au dernier étage. À la fois douce et lumineuse, la décoration invite le visiteur à la promenade. Au fond de la boutique, une nouvelle verrière éclaire l’impressionnante reconstitution de la façade d’un immeuble parisien. Les cinq niveaux sont repensés dans un geste contemporain célébrant toujours l’histoire de la Maison. Les salons se nomment : Art déco, Inde ou encore Jean Cocteau, et font dialoguer des éléments classiques avec un décor renouvelé. Les boiseries du salon Louis Cartier ont ainsi été conservées, tandis que le salon Jeanne Toussaint rend hommage au goût de l’ancienne directrice de la création pour les couleurs franches et les volumes généreux. Fidèle à son engagement pour les savoir-faire, Cartier a également commandé plusieurs réalisations à des artisans et maîtres d’art : bois laqués par l’Atelier Midavaine, marqueterie de pierres par le sculpteur lapidaire Hervé Obligi, ou encore panneaux en marqueterie de cuir par le studio Baqué Molinié.

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Berceau du style Cartier

Dès la fin du XIXe siècle, le 13 rue de la Paix rencontre un grand succès auprès d’une prestigieuse clientèle internationale. Parmi les premiers clients, les registres des Archives mentionnent le passage, dès 1899, de Maria Pavlovna, puis de l’homme d’affaires J. P. Morgan, qui acquiert l’une des premières montres en platine proposée par la Maison, ou encore de l’Aga Khan III pour l’achat d’un ornement de corsage et de deux diadèmes. La presse de l’époque fournit aussi un récit des visites royales, parfois accompagné de photographies. « Ne dérogeant pas à ses habitudes, le roi d’Espagne s’est rendu d’abord chez Cartier, le joaillier bien connu de la rue de la Paix », relate par exemple Le Figaro le 19 novembre 1913.

Les vitrines de la rue de la Paix mettent également à l’honneur les clients et leurs grandes commandes. En 1907, Cartier est sélectionné pour réaliser la corbeille de mariage de Marie Bonaparte à l’occasion de ses noces avec le prince Georges de Grèce. Les pièces, parmi lesquelles un peigne de nuque en diamants et perles, plus tard transformé en diadème et aujourd’hui conservé dans la Collection Cartier, ou un diadème feuille de laurier en diamants et émeraudes, sont ainsi exposées pendant un temps. De même en 1928, trois commandes du maharajah de Patiala – dont un impressionnant collier d’apparat – sont présentées au public dans les vitrines du 13. En 1938, ce ne sont pas des bijoux mais tout un décor qui pare la devanture de la boutique à l’occasion de la visite officielle du roi George VI et de la reine Elizabeth d’Angleterre, célébrant l’amitié franco-britannique.

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Un message plus patriotique encore se devine dans les vitrines de la boutique en 1942. En pleine guerre, Jeanne Toussaint y fait placer des broches figurant un oiseau en cage, symbole de l’occupation allemande. La liberté retrouvée est célébrée deux ans plus tard par une réinterprétation de ce thème : cette fois les oiseaux sont sortis de leurs cages et arborent les couleurs du drapeau français.

Daisy Fellowes, Barbara Hutton, Mona Bismarck… Les grandes figures de la Café Society, puis de la jet-set, sont fidèles au 13 rue de la Paix et viennent fréquemment y faire leurs achats ou passer commande de créations précieuses. Au bal du Gala de l’Orangerie en 1953, la duchesse de Windsor se distingue par exemple par son impressionnant collier draperie en améthyste et turquoise, rehaussé par la chaleur de l’or jaune. Quelques années plus tard, en 1975, la légende raconte que l’actrice mexicaine María Félix aurait poussé les portes du 13 avec un véritable bébé crocodile afin de demander aux joailliers un collier plus vrai que nature. La Collection Cartier conserve aujourd’hui cette pièce représentant deux reptiles entièrement articulés, l’un en diamants jaunes et l’autre en émeraudes, véritables prouesses de savoir-faire.

Aujourd’hui encore, les vitrines du 13 rue de la Paix présentent régulièrement des collections exclusives. En 1999, Cartier propose ainsi la collection « 13 parures pour le 13 » dessinée spécialement pour célébrer les 100 ans de la boutique. En 2005, une nouvelle collection du même nom honore cette fois la réouverture au public après une rénovation. En 2022, à l’occasion de la dernière métamorphose des espaces, la Maison poursuit cette tradition en proposant des créations inédites : parures de haute joaillerie, accessoires précieux, pièces joaillières et horlogères, dont des séries limitées de montres Cloche, Tonneau et Tank Asymétrique au cadran orné d’un « 13 ».

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